Grand-mère indigne
Un an après avoir été à la retraite, donc disponible en principe, je suis devenue grand-mère.
Tout de suite, j’ai averti les heureux parents que je serai une mauvaise grand-mère – ce dont, apparemment, ils se doutaient puisqu’ils me donnaient une foule de conseils pour : tenir un bébé, lui donner un biberon, le langer, le poser dans son lit etc… Normal : ils n’avaient aucun souvenir d’avoir été tenus, langés, biberonnés par moi etc…
Je leur ai très vite prouvé qu’ils avaient raison de se méfier.
La toute première fois où ils m’ont confié leur fille de deux mois pour la nuit, ils m’ont abreuvée de conseils, le petit lit a été installé à coté de mon lit et les parents sont partis -presque- rassurés aux Fêtes de Bayonne.
Vers 8h du matin, endormis comme on l’est quand on est rentré à 5 h du matin, ils ont été réveillés par un médecin penché au dessus d’eux qui leur disait : « Ne vous faites pas de soucis, il n’y a rien de grave… ». Et ÇA, c’est la phrase la plus affolante que je connaisse. Je l’ai entendu deux fois : la première lorsque mon fils, gendarme auxiliaire, s’est fait tirer dessus par un évadé de prison, la seconde, un 31 décembre glacial, à 2H du matin quand la gendarmerie avait appelé pour nous dire « Ne vous faites pas de souci (etc…), vos enfants ont eu un accident sur le verglas etc…
Mais ce matin là, c’était vrai : les jeunes parents n’avaient pas de souci à se faire pour leur progéniture qui dormait tranquillement.
Par contre la grand-mère, elle, souffrait le martyr depuis quelques heures : une soudaine crise de colique néphrétique remettait en cause toutes mes bonnes résolution d’être une grand-mère irréprochable, serviable et toujours là quand on a besoin d’elle. « La douleur ressentie lors d’une colique néphrétique est réputée comme étant l’une des plus vives décrites en médecine », ce n’est pas moi qui le dit, c’est Wikipedia -qui oublie de parler des douleurs de l’accouchement avant la péridurale, mais bon, c’est du passé.
Je garde un souvenir extrêmement agréable de mon arrivée à la clinique : immédiatement droguée à je ne sais pas quoi, j’étais dans un état proche de la béatitude, totalement indifférente à la dureté du brancard et au décor spartiate du box dans lequel on m’avait garée.
Bien sur, je me sens un petit peu coupable d’avoir gâché le lendemain de fêtes des jeunes parents, mais ce que je regrette foncièrement, c’est de ne pas connaitre le nom de la drogue que l’on m’avait administrée : certains jours, j’en reprendrais bien une petite lichette, même en l’absence de toute colique néphrétique.